« Alec et Jane. »

Alec Volturi n'avait jamais ressenti de quelconque sentiment pour personne sauf peut-être pour Jane. Pourtant, une étrange sensation de vulnérabilité s'était insinuée dans son esprit depuis les évènements concernant les Cullen. Jamais la dynastie italienne ne pourrait tolérer cette mutinerie plus longtemps, jamais. Les trois fondateurs n'avaient eut que des discussions au cours de cette semaine et aucune solution, mis à part l'affrontement direct. Ce qui n’était aucunement du goût de l’enfant immortel. Cependant, rien d’autre ne semblait s’accorder avec les schémas dans lesquels les deux Clans s’ étaient ainsi retrouvés. Bien sur, la perspective de faire alliance avec les végétariens paraissait une bonne idée mais, au vu des récentes nouvelles, une telle entraide semblait bien naïve et improbable. Une guerre allait commencer et, malheureusement, Alec allait devoir lui aussi participer au combat. Avec une poignée de lustres d’expérience pratique et une faculté lui assurant la suprématie dans un duel, il serait un ennemi de taille. Néanmoins, sans raisons apparentes, s’il on excluait les trois frères, en rien ne protégerait d’autre âme que la sienne et celle de sa Jumelle.
Ils devraient bientôt partir, Aro l’avait assigné à retrouver l’échappée. Il lui avait dit cela avec bienveillance, mais l’ardeur de ses traits poussiéreux avait rapidement convaincu le garde sur la réelle nature de cette mission. C’était une nécessité absolue de réussite. Une seconde chance qui ne serait pas suivie d’une troisième. Ils amenaient la Cullen à Volterra, ou ils s’envoleraient en cendre.

La lune émettait sa lueur faiblarde dans le ciel d'un noir d'encre. Ses rayons combattants luttaient pour traverser les lourds rideaux de velours rouge. Les appartements de l’adolescent, décoré avec l'habituelle subtilité italienne des lieux, bizarrement muée par ses excentricités Nouveaux-Mondaines, semblait en ce jour aussi sombre que les pensées de son propriétaire. Une statue brisée en mille morceaux, des livres éparpillés sur le sol en disaient long sur la colère qui habitait le vampire. La colère, oui, contre le destin, contre les Cullen, contre cette Nouvelle-Née qui les mettaient tous en danger. Jane comprise. C’était Intolérable, Inadmissible ! Faisant les cent pas, pour évacuer ses états d'âmes si peu digne de lui, il s'arrêta net quand le bruit de pas venant du couloir s'arrêtèrent devant l'entrée du salon. Un des battants de la double porte s'entrouvrit et Anna, une humaine servant les Volturi, s'adressa au sorcier.

Anna : Jane è arrivata, signore. Può entrare?

« Grazie mille Anna, Digli di incontrarmi. »

Anna : Bene, signore … In realtà, Marcus vuole si vedere

"Oh … Okay … Si può uscire"

Fronçant ses sourcils épais, le minuscule garde s’interrogea. Qu’est-ce que le Seigneur blond pouvait bien avoir en tête ? La réponse lui vint aux lèvres en même temps qu’un rictus désabusé alors qu’il avançait dans le couloir, sa peau rayonnant faiblement à la lueur lunaire :

-Châtiment.

Quelques portes, un couloir, une volée de marche et une entrée. Les dédales souterrains de la forteresse ne semblaient vouloir s’achever alors qu’il stoppait sa marche lourde. Levant son poing, il frappa doucement aux panneaux de bois clair.

Entrez, s’exclama une voix traînante dans le grincement grimacier du battant qui s’ouvrait.

La silhouette svelte s’avança de l’ombre aux ténèbres du bureau de Caïus. Nul besoin de lumière pour l’être qui trônait majestueusement à sa table de chêne massif, ornée de délicates inscriptions que le jeune vampire détailla comme du vieux français. Louis XIV, de toute évidence. Les narines retroussées avec arrogance, le Vampire jeta un regard courtois à son maître qui le toisait, ses deux rubis flamboyant à travers la pénombre.

Alec... Je suis navré de me rendre compte de votre indéfinissable et décevante incompétence. Moi qui croyais pouvoir avoir confiance en vous.

L’enfant immortel ne broncha pas, solidement planté sur le sol, il croisa les bras sur sa poitrine. Le problème n’avait même pas besoin d’être évoqué, la Fuite avait ébranlé jusqu’aux fondations de la citée des Immortels. Laconiquement, il commença à lui répondre, comme un enfant déclamant une poésie mille fois répétée pour plaire aux oreilles de son précepteur:

Je sais parfaitement cela, sire et croyez moi, je suis aussi navré que vous de cet échec. Je n'ai aucune excuse à fournir et suis prêt à assumer les conséquences de cette erreur à l’heure des équilibres venue.

Il fit une pause, prenant une expression de tristesse parfaitement feinte, comme si l’excuse qu’il avait à fournir lui arrachait le cœur :

Malheureusement, mon châtiment devra attendre, cher Roi, mon maître m’a quémandé séant d’aller réparer cette regrettable faute, aux côtés de ma chère sœur, en retrouvant le Bou… Isabella … Je me dois d’obéir prestement, car, comme vous le savez, Jane n’est guère de très bonne compagnie lorsqu’on se présente à elle avec un retard incongru … Elle était ainsi naguère, et ne changera jamais …

Masquant habilement un sourire de triomphe qui pointait aux bords de son visage, le petit Vampire s’inclina dans l’exécution d’un petit salut martial et s’esquiva de la sombre présence de son pas leste, laissant le Vieux Roi à ses punitions méditées.

La porte à battant, deux fois plus grande que lui en hauteur, se referma sur son passage. Pensif, il reprit son cheminement, le pas en tout point semblable à son arrivée, quoique peut-être un peu plus allègre qu’à l’allée. Se dirigeant vers les quartiers de la sorcière, il ne départit pas de sa mine grave un seul instant. Le dos raide, la mâchoire agitée, l’immortel ne daigna pas frapper à la porte qui se présentait à lui et, pénétrant tranquillement dans la pièce, s’allongea confortablement dans un canapé de cuir noir présenté à son regard. Ses prunelles furetèrent un peu avant de tomber sur sa sœur, occupée au coin de feu, l’observant fixement. Souriant avec aigreur, il lui lâcha :

-Il ne nous est pas permis de revenir ici les mains vides, Jane …